24

— Nous installons des portes blindées, dit l’ingénieur. Dès que votre équipe sera à l’intérieur, vous pourrez sceller les passages. Vous serez à l’abri pour… Pour plusieurs heures, au moins.

— Plusieurs heures au moins… répéta Jaina.

Dans l’air glacé, sa respiration produisit des volutes de vapeur. Elle jeta un coup d’œil au va-et-vient des droïdes, équipés d’énormes marteaux pneumatiques destinés à l’élargissement des vieux puits de mine.

Ce que personne ne lui avait encore expliqué, c’était pourquoi elle irait se mettre à l’abri de ses ennemis dans les tunnels d’Ebaq Neuf, une petite lune totalement inutile et abandonnée, perdue au fin fond d’un passage hyperspatial très tortueux du Noyau Profond.

Mais cela semblait faire partie d’un plan. Un plan dont elle ignorait tout.

Ebaq Neuf grouillait d’ingénieurs militaires. Ils modifiaient les baies d’accostage qui jadis hébergeaient les navettes des sociétés de forage, ils étaient en train d’installer des boucliers déflecteurs ainsi qu’un système moderne de communications. Ils s’étaient également employés à adapter aux normes courantes les vieux systèmes vitaux et de gravité artificielle. Les ingénieurs étaient protégés par un escadron, sous les ordres du Général Farlander, constitué de quarante vaisseaux capitaux. Il s’agissait d’une force bien plus importante que celle qu’il avait dirigée sur Obroa-skai.

Farlander, avec Jaina sous son commandement, était censé défendre cette lune sans intérêt. Mais la lune était également sur le point d’être transformée en bunker géant et on avait donné à Jaina et aux autres des instructions sur la façon de s’y dissimuler.

Mais pourquoi se cacher ? Pourquoi défendre Ebaq Neuf ? Ce plan n’avait aucun sens. Et Jaina ignorait ce qu’il était advenu du reste de la flotte menée par Traest Kre’fey. L’amiral, Jacen et la plupart des autres Jedi n’étaient pas venus sur Ebaq Neuf avec Jaina et Farlander. Ils étaient ailleurs, en mission, et Jaina ne savait pas où…

Tout ce qu’elle savait, c’était qu’il fallait se livrer à d’incessants exercices. Des manœuvres destinées à préparer l’escadron de Farlander à la défense de cette lune morte. Des manœuvres pour abandonner les combats dans l’espace, se poser sur la lune et aller se cacher dans ses profonds puits de mines.

— Nous allons stocker des cellules énergétiques, des combinaisons de survie, des blasters et des munitions ici-même, continua l’ingénieur. Et, là, nous allons cacher des rations déshydratées et de l’eau.

— Blasters… répéta Jaina. Munitions…

Elle frissonna en dépit de son épais blouson et le mouvement faillit la faire décoller du sol en raison de la gravité réduite de la petite lune. Son oreille interne bourdonna, manquant de déséquilibrer complètement la jeune femme.

D’après les rumeurs, ce plan était une idée d’Ackbar.

Jaina espéra que ce ne soit pas le cas. Parce que cela signifiait qu’Ackbar était dérangé et que ce plan était une folie.

 

— Il serait peut-être temps de leur donner un premier indice, dit Mara. Quelque chose qui commencerait à les préparer à l’assaut final dans le Noyau Profond.

Les yeux de Nylykerka étincelèrent

— Que croyez-vous qu’il faille leur dire ?

— Donnez leur juste une indication, lui conseilla Mara. On ne veut pas tout leur révéler tout de suite. S’ils arrivent ensemble à reconstituer le puzzle pièce par pièce, ils auront probablement plus foi en ce qu’ils sont en train de faire.

— Très bien, dit Nylykerka.

— Par exemple, le bureau du Sénateur Krall Praget aurait pu avoir eu vent du besoin de réquisition d’urgence d’une base située dans le Noyau Profond. On pourrait combiner ça à une fuite d’information concernant un exercice d’évacuation du Chef de l’Etat et du Conseil.

Les poches respiratoires de Nylykerka tressaillirent sous l’action de la réflexion.

— Oui… dit-il. Oui, je crois que ça pourrait marcher.

 

Les étoiles se figèrent tout autour de Jacen lorsque le Ralroost surgit de l’hyperespace. Il était assis devant l’Amiral Kre’fey sur la passerelle du croiseur d’assaut, entouré d’une batterie d’écrans tactiques.

Ils ne s’étaient jamais aventurés aussi loin dans le Noyau Profond. Les étoiles étaient si proches les unes des autres qu’il ne faisait jamais totalement nuit.

— Ebaq Neuf, dit Kre’fey sur un ton méditatif lorsque la lune et sa géante gazeuse se matérialisèrent sur les panneaux de navigation. (Il se tourna vers l’officier chargé des communications.) Adressez mes compliments au Général Farlander et demandez-lui de me rejoindre à bord dès qu’il sera disponible. (Puis il se pencha vers Jacen.) Si vous souhaitez voir votre sœur, dit-il, vous avez ma permission.

— Merci, Monsieur.

Jacen se leva de son fauteuil et quitta le pont du Ralroost. La flotte de Kre’fey avait enfin atteint le but de son long et erratique voyage.

Alors que l’escadron de Farlander s’était directement rendu sur Ebaq, le Ralroost et le reste de la flotte s’étaient lancés dans une série de raids contre leurs adversaires. A chaque fois, les Jedi avaient utilisé leur lien psychique pour coordonner les affrontements. Wayland, Bimmisaari, Gyndine et même Nal Hutta avaient été touchés. La planète Gyndine avait été défendue par une force plus importante que Kre’fey ne l’avait imaginé mais, dans les autres cas, tous les défenseurs – qui s’étaient courageusement battus en dépit des probabilités défavorables – avaient été détruits.

Il s’agissait de raids de diversion, avait expliqué Kre’fey après que tout fut terminé. Ils étaient destinés à donner à l’ennemi des indications sur la position de la flotte de Kre’fey, à savoir un peu partout, jusqu’au moment où celle-ci rejoindrait Ebaq Neuf et le Noyau Profond.

A cause de cette action continuelle, Jacen avait été incapable d’aider Vergere à quitter le vaisseau. Après qu’elle eut passé deux jours dans le cockpit de l'Aile-X, il avait réussi à l’emmener jusqu’à sa cabine. Là, elle avait élu domicile dans le tiroir de rangement qui se trouvait sous sa couchette. Jacen avait demandé au droïde chargé du nettoyage de ne pas s’occuper de sa cabine.

Fort heureusement, il occupait le quartier des officiers et la cabine était assez spacieuse. Le plus difficile était d’amener de la nourriture à Vergere, surtout en considérant que celle-ci faisait preuve d’un appétit d’ogresse.

Un autre problème concernait Tahiri, qui avait accepté de continuer les exercices avec Jacen dans l’espoir de découvrir son sens Vong. Bien entendu, Jacen ne pouvait pas recevoir la jeune femme dans sa cabine tant que Vergere s’y trouvait. Il devait donc redoubler d’efforts pour trouver des excuses valables à chaque fois qu’il emmenait Tahiri pratiquer les exercices dans des endroits peu pratiques. A chaque fois, les excuses étaient plus ou moins convaincantes mais Tahiri semblait prête à les accepter.

Au bout de quelques tentatives, ils échouèrent dans leurs recherches du sens Vong de Tahiri. Jacen se dit que c’était probablement parce qu’il n’y avait pas de Yuuzhan Vong dans les parages. Mais, s’il y avait effectivement eu des Yuuzhan Vong dans les parages, les Jedi auraient consacré tout leur temps à les combattre, pas à méditer.

La seule compensation à cette périlleuse situation était que Vergere et lui, dans l’intimité de la cabine, pouvaient partager leurs réflexions.

Jacen prit son Aile-X et quitta le Ralroost. Il vola jusqu’à la petite lune et retrouva Jaina dans la vaste baie d’accostage qui avait été modifiée pour accueillir les engins militaires. Les Ailes-X de l’Escadron des Soleils Jumeaux étaient impeccablement parquées, prêtes à décoller en un instant en cas d’alerte.

Jaina avait l’air fatiguée. Sa peau était pâle, ses cheveux emmêlés et on avait l’impression qu’elle n’avait pas ôté sa combinaison de vol depuis plusieurs jours. Jacen n’eut pas besoin de faire appel à la Force pour percevoir son découragement.

— Je ne sais même pas ce que nous fabriquons ici… dit Jaina après avoir mollement embrassé son frère. Nous passons la moitié du temps à des exercices de décollage d’urgence pour protéger le système et l’autre moitié à cavaler dans les couloirs du bunker.

— Nous avons des douzaines de vaisseaux capitaux, ici, lui annonça Jacen. Nous disposons de tous les Jedi qu’il faut pour créer un puissant lien psychique. On va pouvoir commencer des exercices de liaison mentale.

— Peut-être, mais on ne peut pas aller se cacher ensemble dans les couloirs fortifiés, répondit Jaina en secouant la tête. C’est pire que tout ce que j’ai déjà vu. J’ai horreur de ça. Me voilà plantée sur ce fichu caillou. J’ai l’impression d’avoir une grosse cible peinte dans le dos ! Pourtant, je suis capable de bien faire si on me donne un peu de liberté d’action. La liberté de piloter la Supercherie, par exemple. Ça, c’est un rôle qui me convient.

Supercherie… songea Jacen.

J’ai peur que tu ne sois guère expérimenté en matière de dépravation… Les mots de Vergere flottèrent dans l’esprit de Jacen. Il regarda Jaina, horrifié.

— Je crois que je viens tout juste de comprendre ce qui se passe, dit-il.

Jaina le dévisagea, une lueur d’appréhension apparut dans ses grands yeux bruns.

— Tu vas servir d’appât, dit Jacen. Les autres Jedi et toi allez représenter l’appât qui va attirer les Yuuzhan Vong jusqu’ici. (Il marqua une pause et hocha la tête, suivant le fil de ses pensées jusqu’à l’inévitable conclusion.) Et moi aussi, je suis l’appât…

 

— L’appât doit paraître réel, dit Ackbar. Et l’appât doit être vu par l’ennemi.

— Si nécessaire, dit Mara, nous ferons en sorte qu’un de nos sénateurs demande s’il est vrai que le Chef de l’Etat est allé se cacher dans un bunker avec les jumeaux Jedi comme gardes du corps. Mais je pense que nous pouvons être beaucoup plus subtils que ça.

L’air ambiant, aux fragrances iodées, résonnait du tintement des fontaines murales. Mara et Winter étaient assises au bord du bassin d’Ackbar et trempaient leurs pieds dans l’eau. Ayddar Nylykerka, présent lui aussi, n’était pas allé jusqu’au point d’ôter ses bottes et de plonger ses orteils poilus dans le bassin.

Mara passa sa liste en revue dans sa tête.

— Les plans du Dernier Rempart, dit-elle. Qui va les leur communiquer ?

— Nous avons déjà utilisé le Sullustain qui travaille au bureau du Sénateur Praget, dit Nylykerka. Peut-être serait-il temps d’essayer avec l’agent des Brigades de Paix qui prétend travailler aux chantiers de construction. On pourrait, par exemple, le laisser seul un moment dans le bureau de son superviseur avec les plans…

— On sait que les Yuuzhan Vong lui ont confié une caméra holographique.

Mara, Nylykerka et les droïdes-souris avaient repéré un troisième réseau d’espionnage agissant dans la capitale provisoire. Le Service de Renseignement de la Flotte ne cessait de les entretenir dans l’erreur en leur fournissant des informations qui étaient toujours parfaitement exactes mais anciennes, hors sujet ou inutiles. Les Yuuzhan Vong n’iraient certainement pas soupçonner un espion leur fournissant des renseignements qui n’étaient jamais faux, même si les renseignements en question n’avaient que fort peu d’utilité.

— Il faut que le gouvernement disparaisse, dit Winter.

— Cal pourra prétendre qu’il part inspecter les installations militaires avec les responsables du Conseil sénatorial, dit Mara. Et puis, plus personne n’entendra parler de lui pendant quelque temps.

— Il faut également que les jumeaux Solo disparaissent en même temps que lui.

— Peut-être que le Sénateur Praget pourrait s’en indigner, non ? suggéra Nylykerka. Il s’est toujours opposé à Leia Organa Solo. Il n’a donc aucune raison d’apprécier particulièrement ses enfants.

— C’est juste ! dit Mara, éclatant de rire. Il pourrait aller se plaindre du fait que Jacen et Jaina sont allés se planquer dans une forteresse secrète juste au moment où la Nouvelle République a le plus besoin d’eux !

— L’appât… dit Ackbar. (Il sortit une main de l’eau et il laissa un mince filet s’écouler de sa paume.) L’appât doit être réel… Et on doit tout faire pour qu’il ait l’air réel…

 

Le Sabre des Jedi, songea Jaina. Un sabre qui risque d’être réduit en éclats de métal, pris entre le marteau des Yuuzhan Vong et l’enclume d’Ebaq.

— Escadron Jumeaux, paré à virer à mon signal. Trois, deux, un, top !

Jaina fit pivoter le nez de son chasseur et enclencha ses moteurs ioniques. Dans ses entrailles elle encaissa la poussée de l’accélération soudaine.

Maintenant qu’elle comprenait un peu mieux le plan d’Ackbar, les choses commençaient à avoir un semblant de sens. Il fallait attirer l’ennemi pour qu’il attaque une prétendue base secrète défendue par l’élite des Jedi, le coincer dans une impasse et l’annihiler.

Le problème, c’était que les Yuuzhan Vong seraient peut-être en mesure d’annihiler d’abord Jaina et l’ensemble de son escadron.

— Demande une ouverture des boucliers dans le secteur dix-sept, transmit Jaina au Contrôle d’Ebaq.

— Ouverture des boucliers dans cinq secondes, quatre, trois…

Les boucliers s’ouvrirent juste au moment où l'Escadron des Soleils Jumeaux franchissait la barrière des déflecteurs. Jaina enclencha ses répulseurs et manœuvra son appareil jusqu’à la baie d’accostage.

— Escadron des Soleils Jumeaux, quittez vos chasseurs et regroupez-vous à l’entrée du tunnel Douze C.

Jaina ouvrit la verrière de son cockpit avant même que son engin ait touché terre. Elle dégrafa son harnais de sécurité et fit appel à la Force pour bondir de son fauteuil et retomber en douceur sur le sol. A petites foulées, elle conduisit son groupe jusqu’à l’embouchure du gigantesque puits principal qui traversait la lune de part en part.

Tout en courant, elle considéra son état de fatigue. Elle était épuisée par la guerre, les exercices constants, elle était fatiguée de fréquenter tant de personnes qui dépendaient directement d’elle.

Elle était en train de perdre la tête.

 

— Je suis inquiet, dit Jacen à Vergere. Elle est éreintée, elle a trop de responsabilités. Elle va plonger…

— Dans les ténèbres ? demanda Vergere.

— Non, répondit Jacen en secouant la tête. Dans le désespoir, plutôt. (Il hésita quelques instants avant de reprendre la parole.) Elle pense qu’elle ne survivra pas à cette guerre.

Ils parlaient à voix basse dans le confinement de la cabine de Jacen. Le jeune homme était assis sur sa couchette, Vergere était perchée sur la chaise du bureau. La plupart des membres de l’équipage du navire de guerre étaient endormis. Après deux jours d’exercices mentaux intensifs, le Ralroost et le reste de la flotte de Kre’fey flottaient à présent immobiles dans le cosmos, à proximité de la vieille base impériale jadis appelée le Croc de Tarkin, à quelques minutes, via l’hyperespace, d’Ebaq Neuf.

— Eprouver du désespoir face à la vie, c’est éprouver du désespoir face à la Force, dit Vergere.

— Comment puis-je l’aider ?

La tête de Vergere se tendit au bout de son long cou. La chaise craqua lors de son changement de position.

— Tu es, toi-même, responsable de tes choix.

— Mais si je choisis d’aider ma sœur ?

— Elle a déjà rejeté ton aide, n’est-ce pas ?

— Mais peut-être que je ne m’y suis pas bien pris. Si j’arrive à trouver un moyen de la convaincre…

— Tu n’arriveras à rien. (Le ton de Vergere fut anormalement dur.) Pense seulement à tes choix.

Jacen la dévisagea, sentant l’inquiétude croître en lui.

— Qu’est-ce que tu sais ? demanda-t-il.

— Sur ta sœur ? Rien.

— Et sur moi ?

— Je sais, jeune Jedi, que tu dois choisir avec sagesse. (Elle se retourna pour faire face au mur.) Et maintenant, je dois méditer.

— Tu caches quelque chose.

Elle lui lança un regard par-dessus son épaule.

— Comme toujours… répondit-elle.

Et ce fut tout ce qu’il parvint à obtenir de Vergere.

 

La porte s’ouvrit en frémissant. Le cœur de Nom Anor bondit dans sa poitrine à la vision du visage grotesque en train de lui sourire, un visage pareil à une parodie démoniaque de Yuuzhan Vong. Il se contrôla en se rendant compte qu’il ne s’agissait que d’Onimi. Celui-ci lui sourit de plus belle en le faisant entrer dans la salle. L’Humilié s’inclina et alla s’asseoir dans l’ombre, aux pieds de Shimrra, avant de déclamer :

Quel est le rôdeur borgne qui frappe à l’huis encore ?

Mais c’est l’agent furtif, l’agile Nom Anor !

L’Exécuteur imagina envoyer Onimi balader d’un coup de pied en pénétrant dans la salle obscure. Dans la lumière réduite, il distingua la silhouette massive du Seigneur Suprême, installé sur son estrade de polypes hau, écarlates et palpitants. Nom Anor se prosterna, bien trop conscient du caractère inquisiteur des yeux couleur d’arc-en-ciel de Shimrra.

Il essaya de ne pas penser à ce qu’il savait du projet de Huitième Cortex, des manipulations cyniques de la religion par Shimrra, du terrible vide que le Seigneur Suprême gardait farouchement.

La voix grave du Seigneur retentit dans les ténèbres.

— Quelles nouvelles m’apportes-tu des infidèles ?

— Eh bien, Ô Suprême, dit-il en se levant tout en essayant de dissimuler l’excitation qui pointait dans sa voix, je pense détenir les informations qui nous permettront de lancer enfin la bataille décisive.

La bataille dont tu as besoin, songea-t-il. La victoire qui laissera suffisamment de temps au Huitième Cortex pour enfin exister.

La voix de Shimrra retentit à nouveau, d’un calme effrayant.

— Très bien, Exécuteur. Nous allons donc attendre ensemble le Maître de Guerre.

— A vos ordres, Ô Suprême.

Nom Anor parvint à contenir un tremblement de terreur, demeurant seul face au Seigneur Suprême. Il se trouvait dans la salle d’audience privée de Shimrra et non dans le grand hall des réceptions. Ici, Nom Anor ne pourrait bénéficier d’aucune assistance, il ne pourrait pas se retrancher derrière Yoog Skell et la caste des intendants. Il se rappela comment l’esprit du Seigneur Suprême s’était emparé du sien, comment ses pensées avaient été pressurées comme sous l’action de deux doigts gigantesques.

Onimi ouvrit la porte avant même que Tsavong Lah ait eu le temps d’appuyer sur la membrane de commande.

Voici le commandeur, le meilleur des soldats,

La guerre est à l’honneur, c’est le grand Tsavong Lah.

Tsavong Lah avança à pas mesurés dans la pièce sur son pied griffu de vua’sa. Ses yeux lancèrent des éclairs de haine à Nom Anor. Le Maître de Guerre se coucha à terre devant le Seigneur Suprême.

— Je suis à vos ordres, Ô Suprême.

— Relève-toi, Maître de Guerre.

Tsavong Lah se redressa et ses griffes de vua’sa éraflèrent le sol dans le mouvement. Même si lui-même était plutôt grand pour un Yuuzhan Vong, il paraissait bien petit à côté de Shimrra, qui devait bien peser une fois et demie son poids.

— Puis-je me permettre de féliciter le Maître de Guerre pour son accouplement ? demanda Nom Anor.

— Tu peux, répondit Tsavong Lah, dévisageant Nom Anor de façon encore plus soupçonneuse que d’habitude.

Se pliant à l’ordre de Shimrra intimant à chaque guerrier de prendre épouse, Tsavong Lah avait été aperçu en compagnie d’une subalterne. C’était une beauté, reconnue pour l’intensité du bleu des poches qu’elle avait sous les yeux.

— J’espère que le Domaine Lah s’enorgueillira bientôt d’un nouveau membre, dit Nom Anor.

— Ça, dit Tsavong Lah, cela ne te regarde pas.

Shimrra poussa un ricanement sonore.

— Venons-en à nos affaires, dit-il. Ton rapport, Maître de Guerre…

— Les flottes sont prêtes, Redouté Seigneur. Nos auxiliaires ont été entraînés et s’apprêtent à défendre nos conquêtes. Nous continuons le recrutement des mercenaires.

— On ne peut pas dire que l’un ou l’autre de ces éléments se soit distingué jusqu’à présent, remarqua Shimrra.

— Les ennemis nous attaquent, c’est exact, dit Tsavong Lah. Mais ils prennent la fuite à chaque fois que nous leur opposons une force égale ou supérieure en nombre. En tout cas, ces raids cesseront dès que nous reprendrons l’offensive. (Il forma un poing à l’aide de la patte de radank qu’on lui avait greffée à la place d’un de ses bras.) Nous sommes prêts à conquérir, Ô Suprême ! Avec votre permission, je peux m’emparer de Corellia. Il y a cinq planètes dans ce système, Seigneur, des chantiers de construction et l’arme de Centerpoint ! Ils sont isolés et je crois pouvoir les prendre à moindre coût. Ils vont essayer de défendre les cinq planètes en même temps, ce qui amenuisera leurs forces. Je pourrai donc les vaincre aisément. (L’impatience et l’excitation déformèrent son visage couvert de cicatrices.) Puis-je avoir votre autorisation d’avancer, Ô Suprême ?

Onimi laissa échapper un ricanement par sa bouche fendue.

— Je crois que Nom Anor a une autre suggestion à nous faire…

Nom Anor perçut toute la colère de Tsavong Lah lorsque le Maître de Guerre lui adressa un regard noir.

— Lui ? demanda Tsavong Lah. J’ai déjà suivi ses conseils auparavant et ça m’a coûté cher.

Les yeux du Seigneur Suprême passèrent du rouge sang au jaune soufre. Les polypes hau ondulèrent sous son poids, produisirent un son visqueux et dégagèrent une puanteur âcre.

— Parle, Exécuteur, dit Shimrra.

Nom Anor ignora Tsavong Lah et se tourna vers Shimrra.

— Mes espions m’informent que le gouvernement de la Nouvelle République s’est enfui de Mon Calamari pour aller se cacher dans le Noyau Profond. Le Maître de Guerre et ses troupes pourraient très bien les y trouver et les éliminer. Sans l’appui d’un gouvernement central, l’ennemi finirait par s’écrouler. (Il daigna adresser un coup d’œil à Tsavong Lah.) Le Maître de Guerre pourrait alors s’emparer de Corellia sans avoir à livrer combat.

L’expression de Tsavong Lah oscilla entre le triomphe et la colère.

— Quels espions ? demanda-t-il finalement. Quelles sont les preuves ? Comment savons-nous qu’il ne s’agit pas d’un piège ?

Nom Anor se tourna de nouveau vers Shimrra.

— J’ai rassemblé les preuves à partir de différents réseaux indépendants, opérant sur Mon Calamari. Les plans de ce que l’ennemi appelle « Dernier Rempart » proviennent d’une source. L’endroit où cela doit se produire m’a été communiqué par un autre agent. Et l’information concernant des réquisitions d’urgence m’a été transmise par un troisième. L’absence du gouvernement de Mon Calamari est de notoriété publique, cependant on présente cela comme une sorte de tournée d’inspection des forces militaires. (Il sourit.) Et la preuve que ce Dernier Rempart est défendu par des Jedi – incidemment, les jumeaux Solo – m’a été fournie par mon agent le plus fiable.

Il sentit que Tsavong Lah s’était raidi à l’évocation des jumeaux Solo. Nom Anor fit un geste de triomphe.

— Après cette bataille, le Maître de Guerre pourra sacrifier Cal Omas, tous les chefs sénatoriaux, les jumeaux Solo et beaucoup d’autres Jedi. Je mets ma vie en gage si je me trompe, Ô Suprême.

— Comme tu le dis si bien, Exécuteur, gronda Shimrra. Si tu te trompes, tu paieras de ta vie.

Nom Anor écoutait sans prendre peur. Il savait qu’il avait raison. La victoire était enfin à portée de main.

Shimrra se pencha en avant sur son palpitant lit de polypes.

— A présent, examinons ces preuves et préparons nos plans…

La voie du destin
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